Je vous propose, en partage, l’extrait d’un article que j’ai écrit en novembre 2009. Il est paru dans la revue info yoga n°75 et la revue française de yoga n°42. L’extrait présenté ici aborde le thème de la pratique du yoga.

LE CHEMIN DE L’INTÉRIORITÉ ( extrait)

Toute personne est appelée et en aptitude à rétablir ce lien intime avec son être. Chaque personne a à réapprendre à s’ouvrir à cette part intime de soi. Alors même que la société va très peu vers cette sensibilisation à la dimension de l’intériorité, de plus en plus de personnes se sentent interpelées par ce chemin.
En tant qu’accompagnatrice vers cette intériorité, je m’appuie sur mon expérience découlant de la cécité et du chemin intérieur qu’elle me donne à vivre. Ainsi, dans la pratique du yoga, j’invite la personne à fermer les yeux tout au long de la pratique, non pas dans le sens d’une coupure d’avec le monde mais comme un rapprochement de soi. Les yeux fermés, la personne est alors invitée à contacter son propre potentiel intérieur, à quitter tout mimétisme pour plutôt être au plus proche d’elle tout en apprenant à se faire confiance en profondeur. Cela invite bien évidemment à plus de vigilance, d’attention, de présence, invite tout bonnement à être là. Dès lors que le regard se libère des distractions extérieures, il peut être plus aisé d’entrer en contact avec cette qualité de présence, cette disponibilité. La personne est également devant le défi d’entrer dans un lâcher prise pour donner sa confiance à l’accompagnatrice comme le non voyant abandonnant sa main dans celle de son guide pour un bout de chemin.
Antoine de Saint Exupéry écrit : « On ne voit bien qu’avec le cœur ; l’essentiel est invisible pour les yeux. »
L’acte de fermer les yeux peut présenter un premier pas vers cette découverte du regard du cœur, d’une sensibilité autre. Une plus grande importance est alors accordée au sentir. Il ne s’agit pas de vivre le corps de l’extérieur en cherchant à le détendre mais plutôt à le ressentir, le vivre de l’intérieur et se détendre dans sa personne. La personne est invitée à passer de la surface à la profondeur, de l’extérieur vers l’intérieur, à goûter les sensations, à demeurer en elles et à les laisser s’approfondir. Les sensations deviennent alors chemin vers l’expérience d’une présence intérieure. De même que les vagues sont reliées à la profondeur mystérieuse de l’océan, de même les sensations nous relient à une présence mystérieuse au-dedans. C’est une véritable invitation à se mettre à l’écoute de l’Etre.

L’expérience de fermer les yeux invite également à passer du faire à l’être, à quitter toute précipitation pour prendre le temps d’être là, de sentir. Face à la personne qui ferme les yeux et moi-même étant non voyante, le point de rencontre, de contact est alors uniquement la parole même si l’accompagnement par le toucher peut parfois intervenir sur la demande explicite de la personne. La parole devient alors parole vivante, chargée d’une expérience à vivre. Elle se fait invitation à sentir, à ressentir. Dans la pratique, cette parole crée une certaine lenteur. Cette lenteur permet de vivre le chemin vers la posture. Il n’est pas question de se précipiter dans la posture aboutie mais de vivre chaque pas vers elle, le mouvement vers elle et ainsi se donner la chance de se laisser toucher par chaque geste, de laisser résonner en soi et d’accueillir ce qui émerge. Le mouvement devient intériorisé, non un geste mécanique mais centré. La posture ne se voit pas mais se dessine et se ressent. Il ne s’agit pas de faire la posture mais de se laisser trouver par elle et la laisser nous parler au plus intime. S’il est important d’apporter toutes les indications techniques nécessaires pour vivre la posture, il est tout aussi important de faire de la posture un lieu de rencontre avec soi.

La parole peut également se faire remémoration de l’être, rappel à être là, invitation à garder les yeux fixés sur l’Essentiel. La sensation, le souffle se font points d’appui pour revenir d’instant en instant à cet Essentiel. L’humain a tellement tendance à l’oubli que la parole se fait nécessité pour retrouver cette souvenance de la Présence. Lorsque les yeux se ferment, l’écoute s’approfondit. La personne dans son entièreté devient telle une grande oreille ouverte. Alors, la parole peut résonner.
Cette quête de présence à l’instant passe par le fait d’entrer dans le silence, une manière de rejoindre le centre. Faire silence, ce n’est pas juste se taire mais s’ouvrir à une sensibilité de tout l’être. C’est s’ouvrir à une écoute intime, un regard du cœur. Dans ce chemin vers l’être là, le silence est invitation à faire l’expérience de la présence. Le silence n’est pas absence de bruits mais une qualité d’être. Dans ce mouvement vers la part de silence en soi, le souffle se fait fil ténu nous accompagnant vers une expérience de profondeur. Là encore, le souffle n’est pas à vivre de l’extérieur, comme quelque chose de séparé de soi. Il s’agit d’entrer dans le souffle, le vivre de l’intérieur, le sentir, le ressentir, se laisser toucher par lui, accompagner plus loin encore au-dedans. Il n’est plus question alors de respirer dans le sens de faire la respiration mais de se laisser être respiré, laisser être le souffle à travers soi, le laisser nous transformer de l’intérieur, être un avec chaque inspiration, un avec chaque expiration.
Très rapidement, la personne en yoga peut faire l’expérience du fait que fermer les yeux l’accompagne vers la sensation d’être moins morcelée, vers un sentiment de plus grande unité et d’une rencontre plus intime avec soi. Il est possible de parler de rencontre intime avec soi car le geste intériorisé révèle la personne à elle-même dans ce qu’elle est à l’instant.

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